Il était une fois, en Archeland.

Il y a bien longtemps, alors que siégeaient encore les Grands Rois et Reines dans la salle aux quatre trônes de Cair Paravel on retrouva au pied des murailles du château du Roi Lune à Anvard en Archeland un petit paquet de couvertures, une petite fille.

Sur la couverture, on avait brodé en lettres vertes un prénom. Ava.

Ici commence mon histoire.

Cet incongru paquet fut apporté au Roi Lune, qui décida de confier l’enfant à une famille de guerriers fidèles et loyaux.

L’enfant fut élevée comme un garçon. Elle avait trois frères et une sœur plus âgée. L’aîné se prénommait Ker et à quatre ans était le vivant portrait de son père. Le second, Tristan venait de naître. Plus tard viendrait Durian le benjamin. Quand à Saha la seule fille de la famille, elle donnait bien du souci à son père, car malheureusement, à deux ans elle ne semblait guère être destinée à devenir jolie.
Le père se prénommait Keren et était chef de la garde royale. Lui et sa femme descendaient d’une grande lignée de guerriers.
Aussi, la petite Ava n’étant l’enfant de personne, devint la fille de tous.

Elle savait à peine marcher qu’elle chevauchait déjà avec ses frères à travers la grande prairie qui s’étendait de derrière la maison au pied du mont Pire et où galopaient les chevaux de guerre.
Elle recevait les mêmes leçons que ses trois frères et maniait aussi bien le poignard que l’épée.
On n’aurait pu rêver meilleure entente entre eux.

Mais l’adolescence et ses tourments allait vite tout gâcher.

Ker, autrefois si joueur et taquin envers sa sœur d’adoption partit pour l’école militaire à Anvard. Il s’en trouva changé. Il était devenu froid et dédaigneux avec Ava qui n’était « qu’une orpheline sans titre sans argent et sans avenir ».
Ce revirement de situation déchira la fratrie.
Le second Tristan se rangea à l’avis de son frère qu’il suivait comme son ombre. Saha qui avait toujours éprouvé une haine féroce pour Ava contribua à envenimer les choses.
Seul Durian, qui avait alors huit ans et ne comprenait ni ne voulait comprendre les raisons de ses frères resta avec Ava.

Un soir, lors du banquet annuel du Roi Lune célébrant le quinzième anniversaire de son fils Cor toute la famille avait fait le déplacement pour l’événement. Saha devait être présentée au futur roi comme de nombreuses filles de bonne famille du royaume.
Elle nourrissait de nombreux espoirs de cette rencontre et se complaisait dans une vaine coquetterie dans le but de paraître plus belle et spirituelle qu’elle ne l’était réellement.
Ava, elle, du haut de ses quinze ans avec sa coupe à la garçonne et son parlé d’homme de guerre ne comptait même pas aller souhaiter un bon anniversaire au prince.
Saha, certaine que le contraste entre Ava et elle soulignerait sa splendeur en comparaison du manque d’élégance et d’éducation de l’orpheline décida de l'emmener avec elle, telle un faire valoir.

Elle s’avança donc vers le prince traînant par la main une Ava réticente dans son sillage.
« Prince Cor, je me prénomme Saha, et voici Ava ma sœur adoptive. Nous vous souhaitons un joyeux anniversaire. »
Le Prince répondit distraitement tout en fixant l’étrange jeune fille aux cheveux courts qui se tenait en retrait, puis il les congédia.

Saha bouillait de rage et d’humiliation, se méprenant sur les intérêts du Prince pour Ava. Elle s’empressa de rapporter la scène à son père qui se trouva fort déçu par celle qu’il avait recueilli avec tant de bonté et qui maintenant sapait les chances de sa fille auprès du Prince.

Cet évennement sonnait le début de la fin pour Ava.

Un an plus tard survint l’invasion Calormène. Tous les guerriers sans exceptions furent mobilisés. La famille d’Ava n’échappant pas à la règle, son père partit avec elle et ses trois frères pour Anvard.
Lorsqu’ils arrivèrent la bataille faisait déjà rage. Des corps gisaient ça et là sur la plaine.
Les guerriers se jetèrent dans la bataille. Les coups pleuvaient autour d’Ava qui parait comme elle pouvait. Autour d’elle, des corps tombaient, elle était couverte de sang.
Puis le rythme diminua, peu à peu les ennemis se faisaient moins nombreux.
Les renforts arrivaient.
Ava était dans un état proche de la catatonie, elle ne savait plus où elle était, ce qu’elle faisait et pourquoi elle était couverte de sang. Elle saignait en plusieurs endroits.
Ce fut un cri qui la sortit de sa transe.
« Durian ! »
Elle vit son frère Ker courir vers elle l’épée au poing, elle le vit attaquer, il ne la manqua pas, mais elle ne sentit rien, c’était comme si l’espace d’une seconde elle n’avait plus eu de corps.
Puis elle contre attaqua. Ker lui hurlait des insultes, l’accusait d’être restée plantée et de n’avoir rien fait pour le sauver.
Sauver qui ?
Elle recula, déséquilibrée par les assauts de celui qu’elle considérait comme son frère.
Elle tomba face contre terre, deux yeux bleus vides la fixaient.
Durian était mort.
Ker profita de son choc pour lui enfoncer son épée dans le ventre. Alors dans un dernier sursaut de courage, elle le frappa à la tête. Il tomba, son crâne heurta une des pierres qui tapissaient le champ de bataille, il mourut.

Et ce fut fini.

D’autres guerriers accoururent, lorsqu’ils virent Durian, puis Ker, morts et Ava blessée mais vivante ils ne comprirent d’abord pas. Mais un jeune soldat entaillé à la jambe leur raconta vivement l’échange qui avait eu lieu entre la fille aux cheveux couleur de feu et le jeune guerrier.

Keren devint fou de rage. Ses hommes le retinrent avec grand peine lorsqu'il s’effondra.

Le Roi quand à lui fut bien embêté, le jeune guerrier avait défié la jeune fille sans raison apparente, et celle-ci l’avait tué. Si elle n’avait pas été une femme, qui plus est une pupille de l'Etat il aurait ordonné qu'on la soigne et l'aurait fait monter en grade mais dans le cas présent... Il prit alors une décision.
« Ava, je vous condamne à l’exil. Pour haute trahison envers la patrie qui vous avait accueillie. »

Ici commence alors une autre histoire.